L’inattendu procès du stylo sarcastique
Ce matin, au grand étonnement de tous, le célèbre romancier Boualem Sansal a été parachuté dans une salle de tribunal décorée de livres interdits où se mêlaient juges sévères et lecteurs clandestins en quête de frissons. D’après notre envoyé spécial qui aurait assisté à l’audience, la justice algérienne aurait solennellement déclaré que l’accusé, non content de manier la magie des mots, était coupable d’une dangereuse overdose de sarcasme littéraire. Les experts ont conclu que sa plume, capable de transformer un modeste paragraphe en satyre redoutable, avait dépassé les limites de la bienséance nationale. Pour couronner le tout, certains témoins prétendent même qu’il aurait dissimulé des traits d’ironie entre deux virgules, ce qui constituerait, selon les autorités téméraires, un délit d’irrévérence aggravée. Soyons clairs, rire entre deux points-virgules n’a jamais semblé si risqué : chacun sort désormais son correcteur orthographique prudemment, de peur d’être accusé d’esprit trop vif.
Quand la critique littéraire devient une infraction
Pour les fans de l’auteur, la sentence de cinq ans de prison ressemble plutôt à la preuve que l’humour est un sport de haut niveau : mieux vaut éviter les courbatures de la langue si l’on ne veut pas se retrouver à l’ombre pour tripotage de figure de style. On chuchote qu’un club secret d’éditeurs aurait tenté d’organiser un entraînement intensif au second degré, pour éviter que les futurs romanciers d’Algérie ne trébuchent sur le même paragraphe subversif. Pendant ce temps, certains responsables politiques envisagent d’instaurer des cours obligatoires de « langage dépourvu d’impertinence » afin de limiter la propagation de toute phrase aux accents polémiques. Mais que l’on se rassure, malgré cette avalanche de rumeurs plus ou moins épicées, Boualem Sansal n’a pas perdu une miette de sa verve : il paraîtrait même qu’il serait sur le point d’écrire un nouveau livre, en misant sur des synonymes soigneusement élagués. Avec un peu de chance, cette prochaine publication, sobre en jeux de mots, parviendra à éviter le banc des accusés. Ou pas.
