Le Ministère du Temps suspend la République Délajienne : les habitants réclament une pause… de la pause
Un présent figé pour « raisons pratiques »
Dans un communiqué horodaté 47 fois, le Ministère du Temps a annoncé la mise en pause sine die de la République Délajienne. Officiellement, cette suspension spatiotemporelle a pour but de « fluidifier l’enchaînement des événements dans une optique de cohérence bureaucratique », une expression qui, selon les experts, ne veut absolument rien dire, mais dont la sonorité rassure.
Les citoyens, quant à eux, vivent désormais dans une boucle temporelle d’une journée recyclée. Chaque matin, le soleil se lève sur un lundi sans fin. Les enfants n’iront jamais à l’école (génial), les poubelles ne seront jamais ramassées (moins génial), et les files d’attente à la poste recommencent inlassablement depuis 07h32.
« Nous en sommes à notre 89e apéritif de la même journée », confie Mireille Gloupnik, habitante de Saint-Provisoire. « Mon mari me pose la même question chaque soir, et j’ai décidé de changer ma réponse juste pour voir ce que ça fait. Résultat : rien. Il me la repose le lendemain, comme si de rien n’était. » Ce présent figé semble avoir aboli toute forme de progression. Les conversations tournent en rond, les toasts sont recyclés, et certains journaux locaux republient le même horoscope chaque jour, prétendant que c’est « le destin cosmique qui insiste ».
Quand la pause devient permanente
Le professeur Anselme Abakar, auto-promu « chrononaute » et conseiller officieux du Ministère, tente de minimiser les répercussions : « L’être humain n’est pas conçu pour digérer trop d’avenir. Nous procédons donc à une diète temporelle progressive. » Cette phrase, jugée « vaguement ésotérique » par Le Club des Horlogers Anxieux, n’a pas suffi à calmer la grogne montante dans les territoires concernés.
Depuis l’entrée en vigueur du décret (écrit intégralement en Comic Sans MS, ce qui n’a inspiré confiance à personne), la population se heurte à des phénomènes imprévus : impossibilité de renouveler des documents périmés, anniversaires célébrés en boucle, et comité d’organisation du carnaval désormais piégé dans une réunion préparatoire sans fin.
La population réclame désormais non pas l’arrêt de la pause, mais… une pause dans la pause. Une sorte d’interruption temporaire de l’immobilité pour souffler un peu entre deux répétitions du même geste. Un courrier en ce sens a été envoyé au Ministère, mais personne ne sait s’il a déjà été reçu, réexpédié ou simplement renvoyé par un facteur pris dans une boucle centrifuge.
Le paradoxe du bulletin météo
Chaque matin, les citoyens reçoivent par texto le même bulletin météo : « Partiellement bouché, avec brouillard généralisé. Risques de déjà-vu élevés. » Personne ne sait si ce message est une description réelle, une prédiction, ou un bug semi-poétique. Dans la capitale, Horocline-sur-Tard, des cafés ont remplacé les horloges par des enseignes indiquant simplement « encore maintenant ».
Dans l’attente d’une hypothétique résolution, les autorités locales se sont adaptées. La mairie de Saint-Inachevé a ouvert un guichet unique pour gérer « les plaintes existentielles répétitives », tandis que la chaîne publique Radio-Éphémère diffuse en boucle une seule chanson : « Et si tu revenais, hier » (interprétée par Joëlle Tictac & les Rémanents).
Jusqu’à nouvel ordre (ou son brouillon), la République Délajienne reste figée. Ses habitants, eux, cherchent encore un moyen de saboter une pause sans déclencher un paradoxe. Ou au moins de sauter le lundi.