Abidjan ouvre musée décolonial programmé en mode clim et Instagram

Le nouveau musée d’art contemporain d’Abidjan : un sanctuaire climatisé pour bourgeois en quête d’Instagram et de contradictions postcoloniales

Climatisation, Wi-Fi et légèreté intellectuelle : les trois piliers de la décolonisation moderne ?

Installé à deux pas du centre d’Abidjan, le tout nouveau musée d’art contemporain a ouvert ses portes dans un bâtiment à l’architecture aussi moderne que son système de réfrigération intérieure. Un exploit énergétique salué par les visiteurs comme “le premier musée africain où l’on peut oublier qu’on est en Afrique, au moins thermiquement parlant”.

Mais derrière ses murs d’aluminium brossé et ses spots LED certifiés européens, le musée se veut avant tout “un espace de dialogue décolonial”, selon son directeur, diplômé de Sciences Po Paris et photographe à ses heures creuses sur son compte TikTok.

“Nous avons voulu proposer une réflexion profonde sur la mémoire coloniale, tout en offrant un cadre Instagrammable avec bonne connexion Wi-Fi”, nous dit un responsable de la communication culture, entre deux stories sponsorisées d’une startup de NFT panafricain.

Quand l’art contemporain flirte avec la température ambiante

Malgré ses ambitions pédagogiques, la majorité des visiteurs semble toutefois s’intéresser davantage à la fraîcheur de la climatisation qu’aux installations vidéo sur la violence symbolique post-impériale. “Franchement, c’est le seul endroit où mon fond de teint ne fout pas le camp au bout de dix minutes. En plus y’a des toilettes propres avec papier et savon. C’est ça aussi, l’émancipation”, confie Clémence, influenceuse culture et propriétaire d’un concept bar végano-décroissant entre Cocody et Paris IV.

Les expositions, elles, oscillent entre réflexion critique et bourrage artistique. L’œuvre phare du moment ? “Décolonise-moi si tu peux”, un couloir sonore où des haut-parleurs dégagent des extraits de traités coloniaux diffusés à l’envers, pendant qu’un bassin de brume rafraîchissante vous enveloppe d’un “passé qu’on tente de dépasser, mais avec style”.

Des discours engagés… du lundi au samedi, 10h-16h

Le musée se targue d’offrir des conférences sur “l’appropriation esthétique par les élites internationales” tous les jeudis. Lors de notre visite, elles étaient temporairement remplacées par un atelier de dessin pour enfants “colonialisme en manga”, sponsorisé par une marque de yaourt allégé.

Interrogé sur les possibles contradictions entre l’engagement anti-impérialiste du lieu et sa boutique où l’on vend des tote bags “Résistance décoloniale made in Portugal”, le directeur reste serein : “L’art est un paradoxe. Et nos produits sont équitables : on en partage les bénéfices avec nous-mêmes de manière très équitable.”

Le musée du futur : pédago-frais, décolonia-branché

En définitive, ce musée représente une synthèse moderne : celle d’un monde où l’émancipation passe par la clim, la mémoire par le merchandising, et l’engagement par l’abonnement mensuel à la newsletter “Art & Déconstruction”.

Alors oui, certains grincheux diront que glorifier la décolonisation dans une salle sponsorisée par une banque historique de l’esclavage atlantique manque un peu de cohérence. Mais comme le dit l’installation fluorescente à l’entrée : “La vérité est une œuvre en constante négociation”.

Et si vous ne comprenez pas le propos artistique ? Pas de panique. Une application mobile vous l’explique en 14 dialectes. Et elle fonctionne même sans Wi-Fi.

Yes, you can décolonize — en 1080p et à 23°C.

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